La musique aide-t-elle le cœur à guérir?

Une nouvelle étude mise sur les chansons préférées des patients pour motiver ces derniers dans leur réadaptation cardiaque
Man écoute de lecteur de musique pendant l'exercice à l'extérieur

Si vous avez déjà fait une crise cardiaque, vous courez un risque accru d’en subir une deuxième.

Des études ont démontré que les programmes de réadaptation cardiaque permettent de réduire jusqu’à 30 % le taux de mortalité, en plus d’amoindrir le risque de futurs problèmes cardiaques. Malgré cela, près de la moitié des patients orientés vers de tels programmes abandonnent en cours de route.

Dans l’espoir d’encourager les patients à poursuivre leurs efforts, les programmes de réadaptation cardiaque ont proposé différentes approches, y compris offrir de l’argent comme mesure incitative et fournir des programmes à domicile.

Aujourd’hui, le Dr David Alter, cardiologue et président de la réadaptation cardiaque au Réseau universitaire de santé de Toronto, tente quelque chose de nouveau : la musique. Le Dr Alter et son équipe sont d’avis que les listes de lecture personnalisées qu’ils sont en train de créer pourraient bien aider à résoudre le problème de décrochage. 

Au fond, faire de la réadaptation cardiaque, c’est presque comme aller au centre de conditionnement physique, mais avec des entraîneurs spécialisés en rétablissement après un grave problème de cœur. Pour renforcer leurs muscles et améliorer leur mobilité sans courir de risques, les patients suivent un régime d’exercices qui leur a été prescrit et qui indique les activités à faire ainsi que la durée et l’intensité à respecter.  

Et comme dans la plupart des centres de conditionnement physique, les gens arrivent souvent avec des écouteurs et un lecteur rempli de leurs chansons préférées.

Remixer les exercices prescrits 

Dans le cadre de l’étude clinique, le Dr Alter et son équipe commencent par demander aux patients les exercices qui leur ont été prescrits, mais aussi leurs artistes et genres musicaux préférés. En se fiant aux goûts des patients, au tempo des chansons et au rythme des exercices prescrits, ils dressent une liste de chansons qui pourraient convenir. 

C’est là qu’entre en jeu la dernière étape magique. Le Dr Alter, guitariste, chanteur et compositeur, auteur de plus de 1 000 chansons, apporte la liste de lecture du patient en studio pour faire ressortir le rythme de chaque chanson. Pour y arriver, il doit généralement rehausser les pulsations et mesures de la pièce, puis la mixer de nouveau pour qu’elle ait l’air d’un enregistrement original. Ces travaux d’ingénierie sonore portent le nom de « stimulation auditive rythmique » (Rhythmic Auditory Stimulation, ou RAS) et leurs résultats sont si subtils que l’oreille ne remarque rien. Le cerveau, lui, est directement intéressé.

Comme le Dr Alter l’explique, le cerveau est programmé pour suivre un rythme régulier. Des études en neurosciences ont démontré que les signaux rythmés stimulaient le cortex prémoteur, une partie du cerveau qui contrôle les mouvements. Quand on fait ressortir un rythme, le cerveau se met automatiquement à le suivre; c’est un peu comme s’il y avait un métronome silencieux dans chaque chanson.

Le Dr Alter et son équipe s’assurent simplement que le métronome est synchronisé avec le rythme des exercices qui ont été prescrits. Après, il ne reste plus qu’à faire jouer la musique et à bouger. « Globalement, le principe est de tromper le cerveau », explique le Dr Alter.

Et en fin de compte, quels sont les résultats?

Eh bien, les patients qui ont reçu les listes de lecture modifiées dans le cadre de leur programme de réadaptation cardiaque signalent se sentir moins fatigués après avoir fait de l’activité physique. Sur une période de trois mois, les patients qui ont bougé avec les listes de lecture RAS ont fait en moyenne 300 minutes d’activité physique de plus par semaine que les patients qui écoutaient de la musique ordinaire (ou qui n’en écoutaient pas du tout). De plus, ils étaient deux fois plus enclins à respecter leur ordonnance en matière d’exercices. Comme le dit le Dr Alter, la réadaptation cardiaque est déjà la norme par excellence des soins, car elle a un effet éprouvé de réduction des taux de mortalité. Les bienfaits de la RAS, eux, vont au-delà de ce que l’on pouvait déjà accomplir.

L’équipe perçoit également des résultats prometteurs chez les patients qui se rétablissent après un AVC.

« Nous avons constaté une différence d’un demi-mille à l’heure dans la longueur de foulée des patients qui écoutent ces listes de lecture, affirme le Dr Alter. Il s’agit là d’une différence importante, qui pourrait par exemple permettre de traverser la rue avant que le feu tourne au rouge. Pour quelqu’un de handicapé, c’est vraiment toute une différence. Et les patients ne se rendent compte de rien! »  

La clé : les choix personnels

Au dire du Dr Alter, la RAS peut être utilisée avec la musique de tous les genres, des chansons folks de Bob Dylan aux fugues de Bach. « Il faut absolument que les gens aiment ce qu’ils écoutent. S’ils entendent une musique qui ne leur plaît pas particulièrement, le reste ne sert pour ainsi dire à rien. »

À l’heure actuelle, l’étude porte principalement sur les patients en réadaptation cardiaque et en réadaptation post-AVC qui ont un risque élevé de récidive. Le Dr Alter voit toutefois dans la RAS le potentiel de viser des groupes plus importants encore. Il serait par exemple possible de créer des listes de lecture à l’intention des adolescents pour lutter contre l’épidémie d’obésité infantile.

« Nous commençons par aider les gens qui en ont le plus besoin, puis nous bifurquons pour nous orienter vers des enjeux plus importants encore. Si nous y arrivons, les résultats seront loin d’être négligeables. »