La pandémie de COVID-19 a provoqué une onde de choc dans le système de santé, ainsi que dans tous les aspects de la vie au pays. Comment, plus précisément, cette situation a-t-elle affecté les personnes vivant avec des maladies du cœur ou ayant subi un AVC, et les ressources en matière de soins de santé dont elles dépendent?
C’est à cette question qu’une équipe de chercheurs canadiens, dirigée par Cœur + AVC, s’est efforcée de répondre, alors que la pandémie s’emparait du monde entier.
L’étude résultante a été publiée le 15 juillet 2020 dans le Journal canadien de cardiologie Libre Accès.
Nous avons demandé à la Dre Sharon Mulvagh, l’une des coauteurs, d’expliquer cette recherche. Elle est professeure de cardiologie à l’Université Dalhousie et professeure émérite à la Mayo Clinic.
Qu’est-ce qui a poussé à faire cette recherche?
Pendant la pandémie, de nombreux pays ont connu une baisse spectaculaire du nombre de personnes cherchant à obtenir des soins pour des maladies du cœur ou un AVC. De plus, nous avons rapidement appris que de tels problèmes médicaux sous-jacents augmentent le risque de complications liées à la COVID-19. Ce qui manquait, c’était des données aux échelles mondiale et nationale relatives aux répercussions sur ces populations.
Nous avons examiné le taux de mortalité lié à la COVID-19 par rapport à la taille de la population d’un pays aux prises avec des maladies cardiovasculaires (y compris l’AVC) et l’ampleur des perturbations dans les opérations et les interventions chirurgicales planifiées.
Nous voulions réfléchir à l’ampleur du retard que nous allions avoir dans la prise en charge de ces patients lorsque nous serions parvenus à la « nouvelle réalité ». Comment pourrions-nous utiliser les données obtenues pour planifier de manière proactive la reprise de la prestation de soins de santé pour notre population atteinte de maladies chroniques?
Quels ont été les résultats?
L’étude a révélé la grave perturbation des soins de santé essentiels offerts aux personnes vivant avec une maladie cardiovasculaire. Notre analyse a montré que plus de 1 200 procédures médicales, y compris des pontages coronariens, des angioplasties et des chirurgies valvulaires, ont été reportées chaque mois rien qu’en Ontario à cause de la pandémie.
Ainsi, même les personnes ne contractant pas la COVID-19 se voient affectées par les changements connus dans les systèmes de prestation de soins de santé en réponse à la crise.
Il a été démontré que, pour chaque augmentation de 1 % dans la tranche de la population vivant avec une maladie du cœur ou ayant subi un AVC dans un pays, le taux de mortalité lié à la COVID-19 était plus élevé de 19 %.
Dans des pays comme le Canada, où les soins de santé sont plus accessibles, on note une proportion supérieure de personnes vivant avec une maladie du cœur ou ayant subi un AVC. Également, le taux de mortalité lié à la COVID-19 s’est avéré plus élevé ici que dans les pays où l’accès aux services de santé est plus limité.
Cette visualisation interactive montre les résultats de la recherche. Cliquez sur les cases à gauche pour voir quatre aspects.
Que pouvons-nous apprendre de cette recherche par rapport au rétablissement des services de santé
Nous devons reconnaître que la pandémie a vraiment mis à rude épreuve nos ressources en matière de soins de santé au pays. Je pense que c’est évident.
Nous devons toujours maintenir les services d’urgence et faire passer le message que les gens doivent se faire soigner pour les symptômes aigus d’ordre cardiovasculaire, y compris l’AVC. Nous faisons de la sensibilisation à ce sujet depuis longtemps déjà.
Pour les soins électifs, il faut mettre sur pied un plan réfléchi quant à la manière de les rétablir. Nous devons définir des critères appropriés pour nous assurer que les patients ayant le plus besoin de soins en bénéficient.
Nous devons également reconnaître que nos professionnels de la santé sont soumis à beaucoup de stress. C’est la raison pour laquelle il est important d’encourager le bien-être de chacun et le fait de prendre soin de soi-même, en particulier auprès de nos professionnels de la santé.
Cette étude contraste avec un autre article de Cœur + AVC sur lequel vous avez travaillé et qui a été publié quelques semaines auparavant. Parlez-nous-en.
Dans cette étude préliminaire prépandémie, nous avons examiné les tendances en ce qui a trait aux taux d’hospitalisation pour les maladies du cœur, l’AVC et les déficits cognitifs d’origine vasculaire, et ce, sur une période de 10 ans (de 2007 à 2016).
Ainsi, les taux d’hospitalisation relatifs à plusieurs maladies ont diminué, mais nous avons constaté une augmentation de celui relatif aux déficits cognitifs d’origine vasculaire, probablement en raison du vieillissement de la population. Chose choquante, nous avons constaté que certaines maladies sont plus fréquentes chez les jeunes, comme l’insuffisance cardiaque chez les 20 à 39 ans. De plus, chez les jeunes femmes du même groupe d’âge, nous avons constaté une augmentation du nombre d’hospitalisations liées à la cardiopathie valvulaire et à l’AVC.
Un aspect important de la recherche consistait à déterminer lesquelles des maladies étaient relativement à la hausse ou à la baisse. Un autre était de reconnaître que la population touchée par ces maladies présentait des caractéristiques uniques en fonction de l’âge, du sexe et de l’emplacement géographique.
Le meilleur moyen de garder le contrôle est de se concentrer sur ses propres besoins.
Nos observations nous ont amenés à recommander une approche davantage holistique. Traditionnellement, nous avons placé les soins dans des vases clos; les neurologues s’occupent de l’AVC, les cardiologues des crises cardiaques. Pourtant, en réalité, tout est connecté.
Enfin, l’intégration des soins est d’autant plus cruciale lorsque les ressources en matière de soins de santé se font rares en raison de la pandémie.
Comment cette étude a-t-elle jeté les bases de la recherche sur la COVID-19?
Il est très utile de disposer de données de référence prépandémie.
Il va être important pour nous de suivre attentivement l’évolution des tendances à l’avenir. Par exemple, nous avons constaté que le nombre d’hospitalisations liées à des maladies coronariennes était en baisse. Eh bien, vont-elles augmenter désormais?
Peut-être que les patients qui ne se sont pas présentés à l’hôpital pour des symptômes aigus, par crainte de la COVID-19, finiront par développer des maladies chroniques.
Que diriez-vous à une personne atteinte d’une maladie du cœur ou ayant subi un AVC? Comment la pandémie a-t-elle modifié les points de vue?
Je pense que cela ne fait que mettre en évidence tout ce que nous disons depuis longtemps. Les choix individuels d’une personne auront une incidence considérable sur le processus entourant sa maladie, même, ou peut-être surtout, pendant une pandémie.
Autrement dit, il faut suivre les lignes directrices en matière de nutrition et d’activité physique et prendre ses médicaments comme prescrits. Il faut surveiller ses signes vitaux, comme sa pression artérielle, si c’est demandé par un professionnel de la santé. Le meilleur moyen de garder le contrôle dans une situation où l’on se sent impuissant est de se concentrer sur ses propres besoins.
Qu’est-ce que Cœur + AVC apporte à cette recherche?
En tant que clinicien, vous avez des idées pour améliorer l’état de santé du patient qui se trouve devant vous. Toutefois, vous n’êtes qu’une personne.
Il faut une grande infrastructure pour accéder aux données et les interpréter, engager des cliniciens pour aider à réaliser cette interprétation, puis prendre ces informations et les transformer en articles scientifiques, en programmes éducatifs et en messages pour améliorer les soins cardiovasculaires.
La fondation dispose de l’infrastructure nécessaire pour y parvenir, et cette étude a été une occasion unique de collaborer à ce travail important en constante évolution.
- Consultez d’autres ressources de Cœur + AVC sur la COVID-19.
- Apprenez-en plus sur la recherche financée par Cœur + AVC.