Faut-il ajuster la réadaptation cardiaque aux femmes?

La Dre Sherry Grace a examiné des programmes de réadaptation cardiaque réservés aux femmes
 Une femme aux cheveux blancs soulève les poids

Y a-t-il des mesures que nous pourrions prendre pour encourager plus de femmes à participer aux programmes de réadaptation cardiaque? Et si oui, quelles sont les caractéristiques des programmes les plus attrayants? 

La Dre Sherry Grace, chercheuse à l’université York, subventionnée par Cœur + AVC, a posé ces questions cruciales, en collaboration avec le Réseau universitaire en santé. Pour tenter de répondre à ces questions, elle a examiné le niveau d’observance des patientes dans deux situations : des programmes traditionnels mixtes de réadaptation cardiaque, et des programmes réservés aux femmes.

Les résultats, publiés l’année dernière dans Mayo Clinic Proceedings et dans le Canadian Journal of Cardiology, ne permettent pas de démontrer clairement qu’un modèle de réadaptation est supérieur à un autre. En effet, les femmes ne prennent part qu’à environ la moitié des séances prescrites, quel que soit le type de programme. 

Ces résultats laissent penser qu’il convient d’utiliser d’autres stratégies éprouvées, comme l’autosurveillance, les plans d’action et les conseils personnalisés, pour s’assurer que les femmes participent au plus grand nombre possible de ces séances cruciales.

« On a souvent dit qu’il serait souhaitable de proposer des programmes de réadaptation cardiaque réservés aux femmes pour augmenter le taux de participation parmi les patientes, mais nous sommes les premiers à examiner ces programmes pour déterminer s’ils aident vraiment à surmonter les obstacles en matière d’accès », explique la Dre Grace.

Les femmes sont exposées à un plus grand risque

Les maladies cardiovasculaires (maladies du cœur et AVC) sont les principales causes de décès chez les femmes dans le monde.

Les femmes qui ont subi un accident coronarien aigu, comme une crise cardiaque, ont souvent un rétablissement marqué d’un plus grand nombre de complications que les hommes. La différence est liée à une fonction physique plus faible et à la présence de nombreux autres problèmes de santé, y compris de santé mentale. Leur risque de décès pendant la première année de rétablissement est supérieur à celui des hommes.

Nous savons que la réadaptation cardiaque (activité physique, éducation, etc.) est une méthode éprouvée de réduction de ce risque. Les études ont déjà montré que la participation à un programme de réadaptation cardiaque réduit la mortalité de 26 %. Elle réduit également les besoins de nouvelles hospitalisations et d’interventions cardiaques supplémentaires, ce qui permet de réaliser des économies lorsqu’on compare les résultats à ceux de systèmes de soins sans volet de réadaptation. 


Cependant, la majorité des femmes qui ont subi un accident coronarien ne participent pas à des programmes de réadaptation. Une étude de 2014, également réalisée par le groupe de la D
re Grace, avait montré que 39 % des femmes participent à la réadaptation, comparativement à 45 % des hommes.

Pourquoi? Des séances collectives d’activité physique, surtout dans un environnement mixte (des deux sexes), sont peu attrayantes aux yeux des femmes. Les raisons seraient liées à la peur et à la gêne, au manque d’expérience, au faible niveau de capacité fonctionnelle et à une certaine timidité liée à l’image corporelle.

Face à ce faible niveau d’adoption des programmes de réadaptation par les femmes et aux raisons qui expliquent le phénomène, beaucoup d’auteurs ont estimé que des solutions de rechange, comme des modèles à domicile (qui viennent à bout des obstacles liés à la distance géographique, au transport et au manque de temps) et des modèles réservés aux femmes obtiendraient de meilleurs résultats chez ces dernières.

Trois modèles de réadaptation


C’est dans ce contexte que la D
re Grace a réalisé ses travaux de recherche. Ce qui en fait l’originalité est qu’il s’agit de la première fois que l’observance et les résultats des programmes de réadaptation ont été comparés selon les trois modèles existants :

  • la réadaptation mixte
  •  la réadaptation réservée aux femmes
  • la réadaptation à domicile.

La Dre Grace et son équipe ont formulé l’hypothèse que l’observance du programme et donc les résultats seraient nettement supérieurs dans le cadre des programmes réservés aux femmes.

Les chercheurs ont réalisé un essai contrôlé randomisé, un type d’expérience scientifique qui vise à réduire les biais lorsqu’un nouveau traitement est mis à l’essai. Les participants sont sélectionnés de manière aléatoire.

Dans cette étude, le recrutement des patientes a été réalisé de 2009 à 2013. Le suivi auprès d’elles intervenait six mois après l’inscription au programme de réadaptation. Les patientes ont été réparties de manière aléatoire et aiguillées vers l’un ou l’autre des trois modèles de programme ci-dessus.

Un total de 169 patientes ont participé à l’essai. Les participantes aux programmes de réadaptation sur les lieux ont fait des exercices physiques dans les locaux prévus, à raison d’une séance de une heure ou moins, une ou deux fois par semaine.

Les participantes au programme à domicile avaient une conversation téléphonique chaque semaine ou toutes les deux semaines, et le personnel du programme leur expliquait alors le matériel éducatif qui leur avait été donné. Elles discutaient également des progrès qu’elles avaient réalisés en matière de programme d’exercice physique.

 
 
Sherry Grace

Nous sommes les premiers à examiner ces programmes pour déterminer s’ils aident vraiment à surmonter les obstacles en matière d’accès 

La Dre Sherry Grace Chercheuse subventionnée par Cœur + AVC

Aucune différence notable

Quatre-vingt-seize patientes sur les 169 ont terminé leur programme de réadaptation. Les résultats n’ont révélé aucune différence notable entre le pourcentage de participation aux séances selon que les patientes appartenaient au groupe réservé aux femmes ou au groupe à domicile. En d’autres termes, aucun groupe parmi les trois n’avait un taux d’observance du programme de réadaptation supérieur à celui des deux autres.

En matière de résultats, les participantes ont eu une amélioration considérable de leur capacité fonctionnelle, de leurs comportements liés à la santé cardiaque et de leur qualité de vie. « Il s’agit d’un bon résultat, mais il n’y avait pas de différences entre les groupes de patientes. Bref, les programmes réservés aux femmes et ceux à domicile ne donnaient pas de meilleurs résultats pour les patientes », explique la Dre Grace.

Même si ces résultats ne permettent pas de dire qu’un modèle de réadaptation est supérieur à un autre, certaines données laissent penser que les programmes réservés aux femmes donnaient des résultats supérieurs sur le plan de la santé mentale. De nombreuses femmes atteintes d’une maladie du cœur souffrent de dépression et d’anxiété, et ces affections mènent parfois à de mauvais résultats cliniques.

En pensant aux prochaines étapes, les chercheurs demandent plus de recherche sur des modèles de programmes différents. Ils estiment également qu’il faut adopter à plus grande échelle des stratégies éprouvées, comme l’autosurveillance, les plans d’action et les conseils personnalisés, pour s’assurer que les patientes utilisent pleinement toutes les ressources en matière de réadaptation.

L’article est paru initialement dans Brainstorm, un numéro spécial de YFile, le journal officiel de l’Université York.