Tard un soir de décembre 2014, un homme en santé de 55 ans rentre à la maison après une longue randonnée à vélo. Il discute avec sa femme et ses deux filles, puis monte à l’étage pour regarder la télévision. Soudainement, alors que sa famille se trouve au sous-sol, son cœur arrête subitement de battre. Environ une minute plus tard, sa femme le trouve étendu sur le sol. Sa peau a déjà commencé à bleuir. Il ne respire plus et ne montre aucun signe vital. Il est mort.
Des scènes comme celles-ci, c’est-à-dire des arrêts cardiaques hors d’un hôpital, il s’en produit environ 40 000 par année au pays. Elles surviennent à la maison, au bureau, au centre de conditionnement physique, à l’aéroport, dans les rues et dans les parcs. Elles sont si courantes qu’elles ne font presque plus les nouvelles.
Alors, pourquoi est-ce que la mort de cet homme devrait vous intéresser? Parce que cet homme, c’est moi.
Si je suis encore vivant, je le dois à ma femme. Elle a tout de suite crié à mes filles d’appeler le 9-1-1, et l’ambulance est arrivée en moins de huit minutes. Néanmoins, mon cœur et mon cerveau auraient subi des dommages irrémédiables s’ils avaient passé tout ce temps sans oxygène.
Heureusement pour moi, Patricia, ma femme, connaît la RCR. Elle a commencé les compressions thoraciques immédiatement après m’avoir trouvé et a continué jusqu’à l’arrivée des pompiers et des ambulanciers. Grâce aux poussées fortes et rapides qu’elle a exercées sur ma poitrine, le sang a pu continuer de circuler dans mon cerveau et mes organes vitaux pendant ces huit longues minutes.
Moins d’une semaine plus tard, j’étais de retour à la maison, et en moins d’un mois, j’avais réussi l’épreuve d’effort sur tapis roulant (également appelée « épreuve d’effort cardiorespiratoire ») haut la main. Cela aurait été impossible sans la RCR. Apprenez-en les principes de base ici.
Les débuts
L’apparition de la réanimation d’urgence remonte au 18e siècle. En 1740, l’Académie des sciences de Paris a officiellement recommandé d’utiliser le bouche-à-bouche et les compressions thoraciques pour sauver les victimes de noyade repêchées dans la Seine. Dans les 30 années qui ont suivi, des organismes similaires ont vu le jour en Angleterre et en Hollande. Toutefois, ce n’est que 200 ans plus tard que la RCR est devenue la norme.
En 1958, à l’Université Johns Hopkins, des chercheurs ont accidentellement découvert qu’en effectuant des compressions externes sur la poitrine d’un chien souffrant de fibrillation ventriculaire, ils obtenaient un pouls dans l’artère fémorale. C’est de cet événement fortuit que la RCR est née. Il n’a fallu que peu de temps avant que les hôpitaux commencent à utiliser cette découverte susceptible de sauver des vies sur des patients. À cette époque, on appelait cette technique « massage cardiaque à thorax fermé » pour la distinguer d’une variante où le médecin ouvrait le thorax de la victime pour effectuer des compressions à mains sur le cœur à découvert.
Étonnamment, c’est à cette même université et dans les mêmes années que William Kouwenhoven, un ingénieur électricien de l’établissement, a inventé le premier défibrillateur à thorax fermé capable d’envoyer des décharges consécutives pour réanimer un cœur adulte. Cependant, l’idée avait déjà fait l’objet de nombreuses expérimentations et innovations au cours du siècle, notamment dans l’URSS.
Ce moment marque l’entrée des soins cardiaques d’urgence dans l’ère moderne.
Le Dr Fred Wilson, un neurologue retraité qui vit maintenant à Canmore, en Alberta, m’a raconté l’histoire marquante de sa première réanimation à l’aide de la RCR et d’un défibrillateur. Il pourrait d’ailleurs s’agir de la première intervention de la sorte au pays. En 1964, le Dr Wilson venait d’être diplômé de la faculté de médecine quelques semaines auparavant. Une patiente d’une soixantaine d’années s’est présentée à l’urgence pour des douleurs thoraciques.
« Puis, juste devant mes yeux, elle s’est effondrée et a fait un arrêt cardiaque, se rappelle-t-il. On ne m’avait pas enseigné la réanimation cardiaque à l’école de médecine, mais j’en avais entendu parler. Je me suis dit que ça valait la peine d’essayer. » Il savait qu’il y avait un défibrillateur dans la salle d’opération, située cinq étages au-dessus de l’urgence. Il a alors demandé à une infirmière d’aller chercher l’appareil pendant qu’il effectuerait la RCR. Une fois le défibrillateur en mains, il a pu remettre le cœur de la patiente en marche en quelques secondes. L’intervention a été un succès et la dame s’est bien rétablie. Après un autre événement similaire, l’hôpital a formé une équipe de réanimation cardiaque et préparé un chariot où serait gardé tout l’équipement nécessaire à la réanimation, désormais appelé « chariot d’urgence ».
La réanimation sort des hôpitaux
En seulement quelques années, les experts du domaine médical ont déterminé que la RCR immédiate était la technique offrant les meilleures chances de survie à une victime d’arrêt cardiaque et qu’elle était suffisamment facile à apprendre pour être enseignée à tout le monde.
Évidemment, beaucoup d’implications médicales et juridiques découleraient du fait qu’une intervention médicale serait pratiquée par des gens du grand public. Pour en savoir plus sur l’historique de la RCR au pays, je me suis tourné vers le Dr Anthony Graham, cardiologue clinique et directeur médical de l’unité de santé cardiovasculaire Robert McRae de l’Hôpital St. Michael’s, à Toronto. S’intéressant depuis longtemps à la réanimation cardiaque et à l’amélioration des soins, il a été le premier à présider le comité de réanimation de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC et il demeure un membre très actif au sein de la section ontarienne de l’organisme. De plus, le Dr Graham a été nommé au sein de l’Ordre du Canada pour son rôle crucial dans l’avancement de la RCR et des soins cardiaques d’urgence au cours des 40 dernières années.
« C’était en 1976, à Toronto. J’étais un jeune cardiologue. On m’a demandé de me joindre au groupe qui se consacrerait à clarifier tous les aspects de la situation, de la protection juridique des non-initiés et des tiers qui administreraient la RCR aux meilleures techniques d’enseignement. C’était tout un défi. Nous devions inventer un tout nouveau système », explique le Dr Graham.
Puis, les premières formations ont eu lieu avec l’aide de l’American Heart Association. « C’était incroyablement difficile. Nous passions des heures et des heures à pratiquer la meilleure façon d’alterner entre les compressions et le bouche-à-bouche, tout en étant agenouillés à côté du “patient”, se remémore-t-il. Nous avions les genoux ankylosés et les lèvres meurtries. » On dit souvent de ce fameux patient, un mannequin nommé « Annie », qu’elle a été embrassée par le plus de gens au monde.
Depuis, les formations données au grand public n’enseignent que les compressions thoraciques, sans insufflations. Elles sont maintenant offertes sous forme d’événements publics de courte durée ou de séries de vidéos à regarder à la maison.
La vie de milliers de victimes d’arrêt cardiaque a été sauvée par des tiers, que ce soit à leur domicile ou dans des lieux publics. Au pays, près d’un demi-million de personnes apprennent la RCR chaque année grâce au vaste réseau d’instructeurs de la Fondation, qui redouble d’efforts pour accroître ce nombre.
La recherche pour améliorer les résultats
Depuis sa création, la Fondation veille à l’amélioration continue et au perfectionnement de la RCR. En plus d’être considérée comme l’organisme principal pour la promotion et l’enseignement de la RCR au pays, elle est l’un des membres fondateurs de l’International Liaison Committee on Resuscitation (comité de liaison international sur la réanimation [ILCOR]), qui examine les dernières percées scientifiques et travaille sans relâche pour améliorer la technique et la pratique de la RCR.
Les membres de l’ILCOR se réunissent tous les cinq ans pour examiner et adopter des recommandations visant à améliorer l’enseignement et la pratique de la réanimation et des premiers soins. Apprenez-en plus sur les dernières lignes directrices en vigueur au pays et le nouveau Consensus international sur les soins d’urgence cardiovasculaire et la réanimation cardiorespiratoire.
Bien que rien n’égale une formation exhaustive et accréditée, la RCR a été grandement simplifiée pour les tiers afin qu’un plus grand nombre puisse venir en aide à une personne en arrêt cardiaque, car la RCR à mains seules est la clé pour sauver de nombreuses vies.
Aujourd’hui, la Fondation fait partie d’une initiative de recherche visant à repousser les limites actuelles de la RCR : le Canadian Resuscitation Outcomes Consortium (CanROC). Ce tout nouveau projet rassemble un réseau pancanadien de chercheurs dont font partie dix systèmes de soins de santé d’urgence d’envergure, notamment ceux de la région du Grand Toronto, d’Ottawa et de Vancouver. Grâce à de nouvelles subventions de la Fondation et des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le consortium a entamé la création d’un registre national des arrêts cardiaques pour faciliter l’étude des résultats et améliorer les taux de survie. Bref, cela fera en sorte que plus de personnes comme moi pourront survivre grâce à un tiers qui leur sera venu en aide.
D’autres innovations, comme une application qui envoie un signal à des tiers formés en RCR lorsqu’un arrêt cardiaque survient à proximité, promettent d’aider à sauver encore plus de vies. En plus de contribuer à de nombreuses percées dans le domaine de la RCR, la Fondation a travaillé avec les gouvernements et de nombreux partenaires de partout au pays pour installer plus de défibrillateurs externes automatisés (DEA) dans les lieux publics, notamment dans les arénas et les centres de loisirs.
Depuis mon arrêt cardiaque, j’ai beaucoup appris et je suis profondément reconnaissant d’être encore là aujourd’hui. Je dois ma vie et mon bien-être à ma femme, qui connaissait la RCR. On pourrait également dire que je dois ma vie à la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC et aux pionniers dévoués et attentionnés du monde de la médecine comme le Dr Anthony Graham.