Communiqué de presse : Le plafond de verre de la santé cardiaque féminine doit être fracassé

Les femmes sont victimes d’un système mal équipé pour diagnostiquer, traiter et soutenir leur santé cardiaque, selon le Bulletin du cœur 2018

Au pays, les femmes sont trop nombreuses à souffrir des maladies du cœur – et à en mourir – à cause des inégalités et des idées préconçues sur lesquelles repose un système mal équipé pour diagnostiquer, traiter et soutenir leur santé cardiaque.

« Les maladies du cœur sont la cause principale de décès prématuré chez les femmes au pays. Néanmoins, le cœur de la femme fait encore l’objet de bien des méprises, déplore Yves Savoie, chef national de la direction de Cœur + AVC. Il est scandaleux de constater que nous commençons tout juste à comprendre le fonctionnement du cœur des femmes et de voir le temps qu’il faut pour que les connaissances parviennent à leur chevet. »

Le Bulletin du cœur 2018 de Cœur + AVC, publié aujourd’hui, se penche sur les raisons pour lesquelles nous avons encore du mal à démêler et à mettre en œuvre les nouvelles connaissances sur les maladies du cœur chez les femmes. 

Or, une triste réalité est mise en lumière :
  • Au pays, les maladies du cœur emportent une femme toutes les 20 minutes.
  • Les signes précurseurs d’une crise cardiaque sont passés inaperçus chez 78 % des femmes, selon une étude rétrospective publiée dans la revue anglophone Circulation.
  • Deux tiers des études cliniques sur les maladies du cœur se concentrent sur les hommes seulement.
  • Les femmes sont cinq fois plus à risque de mourir d’une maladie du cœur que du cancer du sein.
  • Les femmes qui font une crise cardiaque sont plus susceptibles que les hommes d’en mourir ou de subir un deuxième événement cardiaque dans les six mois suivants.

« Les femmes atteintes de maladies du cœur sont sous-représentées dans les travaux de recherche; ces maladies sont mal diagnostiquées et traitées chez elles; ces dernières reçoivent un faible soutien à leur rétablissement; et elles ne sont pas conscientes de leur risque. Il est urgent de remédier à ces lacunes, dénonce M. Savoie. C’est inacceptable, et les choses doivent changer : le temps est venu de briser le plafond de verre. »

Laissées pour compte par le système

Pendant des décennies, la recherche s’est presque exclusivement intéressée à la santé des hommes. L’hypothèse était qu’une solution devait convenir à tous également : l’information tirée des études a donc servi de base aux lignes directrices cliniques, aux procédures diagnostiques et aux traitements qui, encore aujourd’hui, sont employés à grande échelle chez les deux sexes, peu importe leur genre. Or, les statistiques révèlent de sérieuses lacunes :

  • Par comparaison aux hommes dans la même situation, les femmes dont les résultats de l’angiographie sont normaux sont quatre fois plus sujettes à être admises de nouveau à l’hôpital dans les six mois en raison de douleurs thoraciques.
  • L’épreuve d’effort sur tapis roulant, qui permet de connaître le débit cardiaque, révèle moins efficacement les maladies du cœur chez les femmes que chez les hommes, et encore moins chez les femmes plus jeunes, comparativement à celles plus âgées.
  • Les femmes atteintes d’une maladie du cœur sont moins sujettes à subir un pontage ou à recevoir une endoprothèse (afin de rétablir le débit sanguin), à se faire prescrire des statines (pour prévenir une deuxième crise cardiaque) ou à faire l’objet d’une anticoagulothérapie. 
  • Les femmes sont plus sujettes aux retards dans le début de leur traitement. Moins du tiers de celles qui font une crise cardiaque reçoivent les soins habituels dans les délais stipulés dans les lignes directrices.

Il se peut que les traitements normalisés soient moins adaptés et plus risqués pour les femmes qui reçoivent un diagnostic de maladie du cœur. Elles sont moins susceptibles de recevoir les soins d’un cardiologue ou d’être aiguillées vers les traitements dont elles ont besoin. Et pour les femmes autochtones qui vivent dans une réserve, la situation est encore pire étant donné le manque de ressources dans les hôpitaux des régions rurales ou éloignées.

Par ailleurs, comparativement aux hommes, les femmes se font moins recommander de suivre un programme de réadaptation cardiaque par leur médecin et sont deux fois moins portées à suivre et à achever un tel programme. « Dans le cadre de nos travaux, nous avons remarqué que les médecins semblent croire que les femmes profitent moins de la réadaptation que les hommes, affirme la Dre Sherry Grace, chercheuse subventionnée par Cœur + AVC, professeure à l’Université York et maître de recherche à l’Institut de réadaptation de Toronto. Par ailleurs, un médecin sur trois n’était pas même conscient de ses idées préconçues fondées sur le genre. »

Les femmes sont différentes, et leur cœur aussi

« Il existe plusieurs différences importantes, irréfutables et encore très peu comprises entre le cœur des femmes et celui des hommes, affirme la Dre Karin Humphries, directrice scientifique du Centre for Improved Cardiovascular Health de la Colombie-Britannique. Les types de maladies du cœur peuvent grandement différer chez les hommes et les femmes, et donc nécessiter une démarche particulière de diagnostic et de
traitement. »

Le risque de certaines d’entre elles est encore plus grand. La coronaropathie, une affection susceptible de causer une crise cardiaque, est responsable du taux de mortalité de 53 % plus élevé chez les Autochtones que chez les autres femmes. Les femmes d’origine sud-asiatique, chinoise et afrocaribéenne connaissent des taux plus élevés de maladies du cœur et des résultats inférieurs en santé.

Malgré tout, les études révèlent que même si neuf femmes sur dix présentent au moins un facteur de risque, la plupart d’entre elles sous-estiment leur risque. Ainsi, plus de la moitié des femmes qui ont un risque élevé pensent que ce dernier est faible ou modéré.

Un nouveau sondage* commandé par Cœur + AVC et réalisé auprès de 2000 Canadiennes révèle que ces dernières ont peu de connaissances sur la santé et un niveau élevé de comportements nuisibles à la santé, qui accentuent leur risque. Malgré cela, seulement 20 % d’entre elles ont affirmé parler régulièrement à leur médecin de la santé de leur cœur. Les connaissances en matière den santé cardiaque étaient particulièrement faibles chez les jeunes, les minorités visibles et les Québécoises.

Même si 69 % des répondantes ont affirmé que l’idée de faire une crise cardiaque leur fait peur :

  • 48 % ont été incapables de répondre correctement à plus de cinq des douze questions posées sur la santé cardiaque et cérébrale; 
  • 44 % ont affirmé que leurs différentes responsabilités leur laissent peu de temps pour penser à la santé de leur cœur;
  • 23 % ont dit qu’elles ne voudraient pas inquiéter leur famille si elles avaient des inquiétudes au sujet de la santé de leur cœur.
Ce qui doit être fait

Selon M. Savoie, « cette situation est la conséquence regrettable d’un ensemble complexe de facteurs, notamment la façon dont la société mène la recherche en santé, le temps nécessaire pour faire progresser les connaissances scientifiques, les idées préconçues fondées sur le genre et le sexe, et la tendance des femmes à prendre soin des autres avant elles-mêmes.

Ce retard doit être rattrapé de toute urgence, ajoute-t-il. En tant que pays, nous devons changer le fait que deux tiers des études cliniques sur les maladies du cœur portent sur les hommes seulement. »

M. Savoie fait remarquer que tous doivent faire front commun :

  • en sensibilisant les systèmes et les dispensateurs de soins, et en leur donnant les outils dont ils ont besoin pour voir, étudier et traiter les maladies du cœur différemment chez les femmes;
  • en s’assurant que ces dernières ont accès à la réadaptation cardiaque autant que les hommes; 
  • en épaulant davantage les femmes pour qu’elles sachent bien que pour prendre soin des autres, elles doivent d’abord prendre soin d’elles-mêmes, et que leur famille, leur milieu de travail et leurs dispensateurs de soins de santé les appuient dans cette démarche.

Même si le plafond de verre de la santé du cœur des femmes est encore bien réel, il y a une lueur d’espoir : 

  • Un nombre croissant d’organismes qui financent la recherche demandent que les propositions de travaux tiennent compte du sexe et du genre, un exemple que suivent de plus en plus les chercheurs eux-mêmes.
  • Les chercheurs canadiens sont à l’avant-plan des nouvelles études qui se penchent sur les affections touchant principalement les femmes. 

« Des progrès ont été réalisés récemment, mais ils ne sont pas encore assez grands pour combler l’écart et protéger le cœur des femmes autant que celui des hommes, indique M. Savoie. Le défi consiste à accélérer le rythme du changement pour acquérir et mettre en pratique de nouvelles connaissances pour créer des soins cardiaques encore meilleurs et plus sécuritaires pour elles. »

Cœur + AVC s’est donné pour mission d’agir pour améliorer la santé du cœur des femmes :

  • en exigeant que les chercheurs qu’elle subventionne se penchent sur le sexe et le genre, au besoin, notamment en ce qui concerne les participants des essais cliniques;
  • en encourageant les réflexions et la collaboration avec la mise sur pied de son Réseau de recherche sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes;
  • en consultant des gens passionnés par la santé cardiaque et cérébrale des femmes, y compris des femmes touchées par les maladies du cœur et l’AVC, pour faire évoluer ses efforts en matière de recherche, de programmes et de défense des intérêts.

« Le bulletin ne montre personne du doigt. Il est plutôt axé sur les solutions possibles si les chercheurs, les bailleurs de fonds, les professionnels et les dirigeants du système de santé, les gouvernements, et les organismes comme Cœur + AVC se serrent les coudes pour transformer la santé cardiaque des femmes », explique M. Savoie. 

Une femme raconte son faux diagnostic

En promenant son chien dans un sentier près de chez elle à Kamloops, en Colombie-Britannique, Nancy Bradley a ressenti de la douleur à la poitrine, au bras et à la mâchoire. Elle était alors persuadée que son heure était venue. Elle reconnaissait très bien les signes d’une crise cardiaque : son père, son frère cadet et deux sœurs aînées avaient tous souffert de crises cardiaques et d’angines de poitrine. « Mes symptômes étaient identiques à ceux de mon frère. J’avais beaucoup de difficulté à respirer, et mes jambes avaient tout simplement cessé de fonctionner. »

Elle a été surprise du diagnostic de l’urgentologue : il lui a dit qu’elle avait souffert d’un grave brûlement d’estomac. « Je lui ai répondu que ça ne ressemblait pas à ça. Quelque chose n’allait pas avec mon cœur. » Pourtant, les analyses sanguines et l’électrocardiogramme de Nancy ne montraient rien d’anormal, et elle est rentrée chez elle à contrecœur. Au cours des deux semaines suivantes, quand la douleur revenait, elle prenait des antiacides.

La douleur l’a violemment envahie peu de temps après. Au service des urgences, une échographie a révélé qu’elle faisait une crise cardiaque et que son cœur était irrémédiablement endommagé : il battait anormalement, et une artère gauche était bloquée à 95 %. On lui a alors posé une endoprothèse pour ouvrir son artère. Pour lire la suite de l’histoire de Nancy, cliquez ici.

Citations

« La science a pris beaucoup trop de temps à reconnaître les différences qui existent entre les sexes et les genres en matière de maladies du cœur, et encore trop de temps à corriger cette erreur. » – Dr Ed O’Brien, vice-président du conseil consultatif de l’Institut de la santé des femmes et des hommes des Instituts de recherche en santé du Canada, et professeur de sciences cardiaques à l’Université de Calgary

« Les lacunes face au sexe et au genre ont déjà causé la mort d’un trop grand nombre de femmes. » – Dre Karin Humphries, directrice scientifique du Centre for Improved Cardiovascular Health de la Colombie-Britannique

« Les médecins cherchent parfois d’autres causes aux symptômes des femmes sans d’abord faire les tests nécessaires pour être certains qu’elles n’ont pas de problème cardiaque. Cette façon de procéder n’est peut-être pas intentionnelle, mais puisque les soins offerts aux hommes s’en distinguent, c’est le signe qu’il existe encore des préjugés systémiques. » – Dre Tara Sedlak, directrice du centre de santé féminine Leslie Diamond, à Vancouver

« Dans bien des cas, les femmes n’accordent pas la priorité à leur propre santé. C’était clairement le cas de ma mère. Après son décès, nous avons trouvé dans son portefeuille un bout de papier où elle avait noté quelques-uns des symptômes qu’elle avait. Elle ne nous en avait jamais parlé. » – Joannie Rochette, athlète olympique canadienne en patinage artistique

« J’invite les femmes à persévérer. Vous connaissez votre corps; faites confiance à votre instinct. À bien y penser, j’aurais dû insister auprès de l’urgentologue à ma première visite à l’hôpital. Je savais que quelque chose n’allait pas avec mon cœur. J’en étais sûre. » – Nancy Bradley, renvoyée chez elle après s’être rendue à l’hôpital pour des symptômes de crise cardiaque

* Le sondage et la recherche qualitative sur la santé des femmes au Canada ont été menés par Intensions Consulting du 23 au 29 juin 2017. Au total, 2 000 Canadiennes de 19 ans et plus ont participé à un sondage en ligne d’une durée de 14 minutes. Les résultats ont été stratifiés afin de refléter la répartition de la population canadienne selon l’âge et la province, et selon les données du recensement de 2016. La marge d’erreur des résultats est de +/- 2,2 points de pourcentage, 19 fois sur 20.

Cœur + AVC

La vie. Ne passez pas à côté. C’est pour cette raison que Cœur + AVC mène la lutte contre les maladies du cœur et l’AVC. Nous devons propulser les prochaines découvertes médicales afin que les gens au pays ne passent pas à côté de moments précieux. Ensemble, nous prévenons les maladies, préservons la vie et favorisons le rétablissement grâce à la recherche, la promotion de la santé et des politiques publiques.

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