Une étude documente le retard en recherche chez les femmes

Étude codirigée par Cœur + AVC : le Canada en retard sur les États-Unis et l’Europe en recherche.
 Deux femmes professionnelles se parlent assis dans une salle de conférence

Une étude publiée dans le Journal of the American Heart Association en février 2020 révèle un fossé frappant dans la recherche axée sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes, selon Cindy Yip, coauteure de l’étude et directrice, Information, gestion du savoir et programme sur les maladies du cœur, à Cœur + AVC. Nous lui avons demandé les conclusions de l’étude et leur importance.

Quel était l’objectif de cette étude?

Notre objectif était de faire valoir le point de vue canadien, d’un océan à l’autre. En collaboration avec l’Alliance nationale de la santé cardiaque des femmes, avec l’aide du Centre canadien de santé cardiaque pour les femmes de l’Université d’Ottawa, nous avons entrepris de consulter les principaux experts au pays qui travaille activement auprès de femmes vivant avec une maladie du cœur ou ayant subi un AVC. Ces experts du domaine de la recherche ou des soins nous ont renseignés sur ce qu’ils savent de la littérature scientifique sur le sujet.

L’approche était extrêmement inclusive : les experts comprennent des cliniciens, des chercheurs, du personnel infirmier et des membres d’équipes paramédicales à différentes étapes de leur carrière, ainsi que des femmes ayant une expérience vécue des maladies du cœur et de l’AVC.

Pourquoi le point de vue canadien est-il important?

Je pense qu’il y a beaucoup de différences dans la population du Canada, notamment en ce qui concerne l’âge, la culture et l’ethnicité. Notre système de santé se distingue et notre population est très différente de celle des États-Unis et de l’Europe. 

Cindy Yip headshot

Nous devons travailler ensemble pour encourager davantage la recherche afin de susciter des changements.

Dr Cindy Yip Cœur + AVC

Par exemple, certains immigrants et nouveaux arrivants sont plus sujets aux maladies du cœur. Les peuples autochtones du Canada sont aussi plus susceptibles de développer certaines maladies du cœur. Les choix de régime alimentaire et de mode de vie sont également différents au Canada. 

Des données adaptées à la population canadienne, et plus particulièrement aux femmes, nous seront donc très utiles.

Quelles sont les conclusions?

Nous savions qu’il y a un fossé en recherche malgré les progrès réalisés ces dernières années. Ce que nous avons appris, c’est que ce fossé est plus grand et plus impressionnant que nous ne le pensions.

Le manque de recherche, qui se traduit par un manque de données probantes, a réellement nui à l’élaboration de lignes directrices cliniques et de pratiques exemplaires adaptées aux femmes.

Lorsque nous avons fait la comparaison avec les États-Unis et l’Europe, nous avons constaté que le Canada est loin derrière dans les lignes directrices fournissant des recommandations propres aux femmes pour la prise en charge des maladies. C’était choquant.

Dans le bulletin de 2018 intitulé « Les Incomprises », Cœur + AVC fait état du fossé en recherche axée sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes. En quoi cette étude est-elle différente?

Le rapport complète le bulletin « Les Incomprises » et valide les lacunes dans la recherche, la sensibilisation, le diagnostic, le traitement et le soutien relativement aux maladies du cœur et à l’AVC chez les femmes.

Cette étude ne se limite pas à la simple crise cardiaque : elle couvre un large éventail de maladies, entre autres l’insuffisance cardiaque, la cardiopathie valvulaire et la cardiopathie congénitale.

Il est important de noter qu’il s’agit d’une publication examinée par des pairs dans une revue de renommée internationale. Nous souhaitons accroître la sensibilisation à cette question importante au Canada et ailleurs dans le monde.

Qu’espérez-vous de cette étude?

Notre priorité absolue est la sensibilisation. Nous devons ensuite collaborer pour combler le fossé en recherche.

Les recommandations figurant à la fin du rapport prévoient un rôle pour chacun, des cliniciens aux chercheurs, en passant par les femmes ayant une expérience vécue, les dirigeants du système de santé, et les organismes sans but lucratif comme Cœur + AVC.

Nous devons travailler ensemble pour encourager davantage la recherche afin de susciter des changements et d’adapter la pratique clinique aux femmes.

Quand pourrait-on voir de nouvelles lignes directrices cliniques propres aux femmes?

Nous gardons espoir, mais la route sera longue : il va falloir attendre au moins cinq ans, voire plus.

Quel a été le rôle de Cœur + AVC dans cette étude?

Il s’agit d’un nouveau rôle que nous nous sommes engagés à définir l’année dernière et que nous exerçons comme contribution en nature pour nos collaborateurs. Dans le cadre de cette étude, Cœur + AVC a fourni des ressources pour l’analyse des données, la rédaction et l’examen du contenu scientifique.

Il s’agit également d’un excellent exemple de modèle de leadership partagé (avec l’Alliance nationale de la santé cardiaque des femmes). La portée d’une telle étude est vaste; ce n’est pas une étude qu’un seul organisme peut mener.

Vous avez mentionné que des femmes ayant une expérience vécue faisaient partie de l’équipe. Quel rôle ont-elles joué?

Elles ont fait partie du groupe de travail dès le premier jour. Elles ont fourni des commentaires à mesure que nous avancions dans l’élaboration de cette publication. Elles sont d’ailleurs listées comme auteures aux côtés des professionnels.