Santé Canada a approuvé la vente de sachets nicotiniques aromatisés commercialisés par Imperial Tobacco Canada d’une manière qui permet leur vente aux enfants de tous âges. De plus, Imperial Tobacco peut faire la promotion de ces produits à la télévision ou sur des affiches publicitaires à proximité d’écoles, dans les médias sociaux, à l’aide de publicité de type « style de vie », en distribuant des échantillons gratuits ou par d’autres moyens.
Le 18 juillet 2023, une société sœur d’Imperial Tobacco a reçu l’approbation de vendre des sachets nicotiniques aromatisés en vertu du Règlement sur les produits de santé naturels pour les produits sans tabac contenant de la nicotine. Imperial Tobacco effectue présentement à l'échelle canadienne une campagne agressive de mise en marché pour ces sachets de nicotine, faisant leur promotion dans les magasins en les mettant en valeur à proximité des barres de chocolat et autres friandises. La vente de ces sachets nicotiniques aromatisés à des jeunes de tout âge est parfaitement légale.
Selon Cynthia Callard, directrice générale des Médecins pour un Canada sans fumée, « il s'agit d'un développement exceptionnel. Il est absolument incompréhensible qu’on puisse permettre l’introduction de ces produits nicotiniques aromatisés sur le marché sans mesures réglementaires protectrices adéquates. Même si cette décision a été prise avant l’affectation ministérielle du ministre de la Santé et de la ministre associée de la Santé, nous leur demandons d’agir immédiatement pour corriger cette situation inacceptable afin d’empêcher la dépendance à la nicotine chez les jeunes. Le public canadien ne tolérera pas ces nouveaux développements ni ce vide réglementaire. »
Un groupe d’organismes réputés de santé – Action on Smoking and Health, la Société canadienne du cancer, l’Association pulmonaire du Canada, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, Cœur + AVC et les Médecins pour un Canada sans fumée – demande aux ministres associés à la Santé de :
- Redéfinir les sachets nicotiniques à titre de produits exigeant une ordonnance, ou suspendre la vente de sachets nicotiniques jusqu’à ce qu’on ait pu combler le vide réglementaire. Ces deux approches peuvent se réaliser rapidement de manière administrative sans la nécessité d’avoir recours à un amendement de la réglementation.
- Mettre en place un moratoire temporaire en ce qui concerne l’approbation, en vertu du Règlement sur les produits de santé naturels, de nouveaux sachets ou de tout autre produit nicotinique à moins que de tels produits ne soient vendus sous ordonnance.
« C’est la première fois en plus de 100 ans qu’il est légal qu’un produit à base de nicotine d’un fabricant de tabac soit vendu à des mineurs au Canada, » ajoute Rob Cunningham, analyste principal des politiques à la Société canadienne du cancer. « On ne peut pas faire confiance aux fabricants de tabac. Il est essentiel que les ministres fédéraux de la santé prennent des mesures de toute urgence. »
« Ces sachets nicotiniques sont nettement attirants pour les jeunes, » ajoute monsieur Cunningham. « En offrant ces produits avec des saveurs attrayantes comme brise tropicale, menthe fraîche et baies givrées, le tout dans de petits emballages colorés qui pourraient tout aussi bien contenir des friandises, il est évident que les jeunes voudront s’en procurer. Le piège de la dépendance de nos jeunes à la nicotine en sera l’effet dévastateur. »
Flory Doucas, codirectrice et porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, ajoute, « Pour promouvoir ses sachets nicotiniques, Imperial Tobacco déploie les mêmes tactiques de marketing de type ‘style de vie’ que la compagnie a utilisé par le passé, soit avec des publicités où l’on peut voir de jeunes gens ayant du plaisir. Ne mâchons pas nos mots : Imperial Tobacco est un cigarettier qui n’a aucun désir de voir les gens cesser de fumer. Au contraire, il souhaite accroître le marché global de la nicotine. Les tactiques de l’entreprise se solderont par un nombre plus élevé de jeunes en situation de dépendance. »
« N’avons-nous rien appris de notre expérience avec les cigarettes électroniques ? » ajoute madame Callard. « Étant donné l’augmentation de vapotage chez les jeunes, comment se peut-il que Santé Canada permette à une nouvelle catégorie de produits nicotiniques d’être mis sur le marché par un fabricant de cigarettes alors que la réglementation en place est complètement inadéquate ? Comment se peut-il qu’il soit légale de vendre à des enfants des produits nicotiniques aromatisés d’un fabricant de tabac ? »
Terry Dean, président-directeur général de l’Association pulmonaire du Canada, dit : « La nicotine est une drogue qui crée une très forte dépendance. On doit nécessairement avoir des mesures adéquates de contrôle avant qu’un produit nicotinique n’atteigne le marché. Les sachets nicotiniques deviennent de plus en plus prisés des jeunes dans d’autres pays – ce qui les rend différents des autres produits de désaccoutumance du tabac comme les timbres de nicotine ou la gomme nicotinique à mâcher. Rien n’indique que les jeunes acquièrent une dépendance à la nicotine par le biais de timbres ou de gomme à mâcher. »
« La gomme à mâcher nicotinique n’était originalement vendue que sous ordonnance au Canada. On a par la suite adopté une approche sans ordonnance, » révèle Diego Marchese, Premier vice-président, Mission, recherche et entreprises sociales chez Cœur + AVC. « On pourrait rapidement et facilement exiger que la vente de sachets nicotiniques se fasse seulement sous ordonnance. La nécessité d’agir immédiatement est d’autant plus pressante que d’autres entreprises demandent déjà l’autorisation de vendre des sachets nicotiniques, ce qui empirera la situation. »
« La décision de permettre la vente de ces sachets nicotiniques d’Imperial Tobacco constitue un rappel brutal selon lequel Santé Canada n’a toujours pas émis de directives aux fonctionnaires sur les moyens à mettre en place pour protéger les politiques de santé contre les intérêts commerciaux de l’industrie du tabac, » ajoute Les Hagen, directeur général d’Action on Smoking and Health (ASH), faisant référence à l’Article 5,3 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac à laquelle le Canada a souscrit. « L’approbation de ces sachets nicotiniques s’est effectuée dans l’absence de toute transparence, sans que le public n’ait eu l’occasion de se prononcer et dans un vide complet en ce qui touche la divulgation de toute documentation fournie par la société sœur d’Imperial Tobacco. Le besoin de renforcer la mise en œuvre de l’Article 5,3 par l’État est plus pressant que jamais. »
Contexte :
- Le 18 juillet 2023, Santé Canada a approuvé la vente de sachets nicotiniques de marque Zonnic comme produit de désaccoutumance du tabac sous forme de thérapie de remplacement de la nicotine en vertu du Règlement sur les produits de santé naturels. Ce règlement est adopté en vertu de la Loi sur les aliments et drogues. Cette approbation a été accordée à la société Nicoventures Trading Ltd. Tout comme Imperial Tobacco Canada Ltd., Nicoventures Trading Ltd. est une filiale de British American Tobacco.
- Le 12 octobre 2023, la société Imperial Tobacco Canada Ltd. a annoncé qu’elle avait commencé la vente de sachets nicotiniques Zonnic.
- La Liste des drogues sur ordonnance prévoit qu’une ordonnance est nécessaire dans le cas de toute substance, autre que les produits de tabac, contenant de la nicotine. Or, on accorde une exception pour la gomme à mâcher ou les pastilles contenant 4 mg ou moins de nicotine ou pour les timbres dont le contenu ne dépasse pas 22 mg. Il existe également une exception dont on s’est servi lors de l’approbation des sachets nicotiniques : « sous une forme destinée à être administrée dans la cavité buccale au moyen d'un instrument non actif (instrument dont le fonctionnement dépend de l'énergie produite par la force musculaire ou la pesanteur) libérant 4 milligrammes ou moins de nicotine par dose pour absorption buccale. » Il serait possible de modifier la Liste des drogues sur ordonnance de manière à supprimer l’exception à l’exigence d’une ordonnance dans le cas de sachets nicotiniques.
- En vertu de l’article 19 du Règlement sur les produits de santé naturels, « En toutes circonstances, le ministre suspend la licence de mise en marché avant d’avoir donné au titulaire la possibilité de se faire entendre s’il a des motifs raisonnables de croire que cela est nécessaire pour prévenir que soit causé un préjudice à la santé de l’acheteur ou du consommateur. » Le règlement décrit alors le processus subséquent que doit observer le ministre lors d’une suspension.
- Dans un document intitulé « Flavours in Nicotine Pouches », on trouve des exemples de mise en marché internationale de ces sachets nicotiniques. Ce document est mis à la disposition des délégués nationaux qui participeront à la dixième séance de la Conférence des Parties (COP10) touchant le traité international sur le tabac, la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac.
- La Loi fédérale sur le tabac et les produits de vapotage interdit la vente de produits du tabac et de produits de vapotage aux personnes de moins de 18 ans et restreint la promotion de ces produits. Toutes les provinces et tous les territoires disposent d'une législation interdisant la vente de produits du tabac et de produits de vapotage aux jeunes, l'âge étant fixé à 18, 19 ou 21 ans selon la province ou le territoire. Ces lois fédérales/provinciales/territoriales de lutte contre le tabagisme ne s'appliquent pas aux produits à base de nicotine approuvés en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, comme le Règlement sur les produits de santé naturels. Le Règlement sur les produits de santé naturels ne prévoit pas d'âge minimum de vente, et il n'y a donc pas d'âge minimum de vente pour les sachets de nicotine.
- L'autorisation pour les sachets de nicotine Zonnic stipule qu'ils ne doivent pas être utilisés par des personnes de moins de 18 ans. Toutefois, si un magasin de détail vend à une personne de moins de 18 ans, il n'y a pas d'infraction, ni de possibilité de poursuites ou d'amendes.
- Au Québec seulement, les sachets de nicotine ne peuvent être vendus qu'en pharmacie. Or, il est possible de vendre ces sachets aux jeunes de tout âge. En effet, si un magasin vend à une personne de moins de 18 ans, il n'y a pas d'infraction, ni de possibilité d'inculpation ou d'amende.
- Voir ici des exemples de promotions pour Zonnic, y compris des vidéos promotionnelles.
Personnes-ressources :
Flory Doucas, Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
fdoucas@cqct.qc.ca, 514-515-6780
Rob Cunningham, Société canadienne du cancer
rob.cunningham@cancer.ca, 613-762-4624
Cynthia Callard, Médecins pour un Canada sans fumée
ccallard@smoke-free.ca, 613-600-5794
Sarah Butson, Association pulmonaire du Canada
policy@lung.ca, 647-904-2817
Natalie Lian, Cœur + AVC:
natalie.lian@heartandstroke.ca, 416 386-4708
Les Hagen, Action on Smoking and Health (ASH)
hagen@ash.ca, 780-919-5546