Lynne Marie Sherry, survivante d’un AVC, et sa fille Shawnee Kish

AVC

« Je suis là pour une raison. »

Lynne ne savait pas du tout que l’hypertension était le principal facteur de risque d’AVC – jusqu’à ce qu’elle en subisse un. Sa culture autochtone l’a aidée dans son rétablissement.

Chapitre 1 Facteurs de risque invisibles

Lynne Marie Sherry savait qu’elle était atteinte d’hypertension artérielle. Son médecin le lui avait dit et lui avait donné des médicaments, mais aucun autre renseignement. Elle ne savait donc pas que l’hypertension est le principal facteur de risque d’AVC, ni que les étapes de la vie d’une femme comportent leurs propres facteurs de risque. Étant donné que sa relation avec son médecin n’était pas très bonne, Lynne hésitait à lui poser plus de questions.

En tant que femme autochtone (une Mohawk des Six Nations de la rivière Grand, dans le sud de l’Ontario), elle avait appris qu’il fallait éviter d’être cataloguée comme une patiente problématique par les prestataires de soins de santé. Donc, elle ne disait rien. Sa santé s’est détériorée après ce diagnostic, mais elle n’était pas consciente que son état était lié à son hypertension.

Lynne était forte, active et en bonne forme physique. Et comme elle ne connaissait pas les risques associés à l’hypertension, elle ne croyait pas avoir besoin de prendre des médicaments tous les jours.

Le 5 décembre 2020, Lynne a soudainement senti « une grande faiblesse » dans son bras et sa jambe. Elle savait que quelque chose n’allait pas, et elle a composé le 9-1-1.

Si nous avions su que cela pouvait entraîner un AVC, et à quoi ressemble un AVC... les choses auraient pu se passer autrement.
Shawnee Kish - Fille de Lynne

Elle a été transportée d’urgence à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué un AVC hémorragique du tronc cérébral – un AVC lié à un saignement à la base du cerveau, très difficile à traiter. Sa famille est accourue pour être à son chevet, y compris sa fille, Shawnee Kish, qui est venue en avion d’Edmonton.

« Notre mère est tout ce que nous avons », dit-elle. Les enfants de Lynne ont été bouleversés d’apprendre qu’elle était maintenue en vie artificiellement, car elle ne pouvait pas respirer.

Chapitre 2 Aucune place pour la culture

Ce n’était que le début d’un rétablissement semé d’embûches, rendu plus difficile encore par les restrictions liées à la pandémie. Le fait d’être une femme autochtone a aussi fortement influé sur l’expérience de Lynne.

Lynne était désemparée à l’hôpital, car elle ne pouvait pas voir sa famille. Shawnee et sa sœur ont enfreint les règles concernant les visiteurs. « Nous nous sommes cachées dans un placard pour que son esprit sache que nous étions près d’elle. »

Les populations autochtones du pays sont plus susceptibles que la population générale de développer ou d’avoir une maladie du cœur, ou encore de subir un AVC ou de vivre avec ses séquelles. C’est parce qu’elles sont plus à risque d’être atteintes d’hypertension (comme Lynne) ou de diabète – deux causes de maladies du cœur et d’AVC. Pour cette raison, le taux de décès associé à ces affections est plus élevé chez les groupes autochtones. Ils peuvent également subir de la discrimination dans le système de santé.

« Elle a reçu un diagnostic d’hypertension environ un an avant son AVC », affirme Shawnee. « Si nous avions su que cela pouvait entraîner un AVC, et à quoi ressemble un AVC... les choses auraient pu se passer autrement. » 

Lynne a finalement pu recommencer à respirer par elle-même et a été débranchée du système de maintien des fonctions vitales. Cependant, elle était confinée dans sa chambre et a reçu une physiothérapie limitée. Cette situation a perduré après son transfert dans un centre de réadaptation. « Elle a dû se battre pour avoir le droit de sortir et de prendre l’air et du soleil. C’était comme une forme d’emprisonnement », se remémore Shawnee.

Cet isolement était très difficile pour Lynne, dont la grand-mère avait été retirée de sa famille, enfant, pour être envoyée au pensionnat. Shawnee affirme que sa mère « avait l’impression de vivre dans le système des pensionnats, enfermée dans une chambre, incapable de parler à quiconque ni de pratiquer sa culture. »

Lorsque Lynne obtenait enfin la permission d’aller à l’extérieur, Shawnee et d’autres membres de la famille l’aidaient à se purifier par la fumée de plantes sacrées. « Vous n’avez pas l’autorisation de faire ça », lui reprochait le personnel du centre. « Il n’y avait aucune place » pour les méthodes de guérison autochtones traditionnelles qui auraient facilité le rétablissement de Lynne, selon Shawnee.

« Elle était vraiment très malheureuse. Elle pleurait tous les jours. » Le peu de soins de réadaptation que Lynne a reçu en raison des restrictions liées à la pandémie a aggravé ses problèmes de santé mentale. 

Chapitre 3 Un esprit intact

Aujourd’hui, Lynne vit dans une résidence pour personnes âgées, où elle reçoit la visite deux fois par jour de préposés aux services de soutien à la personne. Elle conserve son autonomie, même si elle a de la difficulté à parler, à marcher et à avaler. L’AVC a transformé de nombreux aspects de sa vie, mais elle a encore le sourire facile et rit souvent avec sa fille, qui l’aide à s’exprimer quand elle a des troubles d’élocution. « Une des choses qu’elle n’a jamais perdues, c’est sa fougue », déclare Shawnee.

Shawnee et Lynne jouant du tambour avec d’autres femmes.

Shawnee et Lynne, que l’on peut voir ici jouant du tambour dans le cadre d’un événement, sont très proches.

Lynne est déterminée à ne pas être envoyée dans un établissement de soins. Elle s’efforce tous les jours de rester en bonne santé pour demeurer dans sa résidence.

Ses enfants auraient voulu comprendre les effets dévastateurs de l’hypertension artérielle avant qu’elle ne subisse un AVC. C’est une affection héréditaire; ils prennent tous le « tueur silencieux » au sérieux et tâchent de se protéger.

L’esprit inépuisable de Lynne est pour eux une source d’inspiration. Elle est maintenant reconnaissante de sa santé et des pouvoirs de guérison de sa culture. « Je suis là pour une raison. »

D’une certaine manière, affirme Shawnee, l’AVC a donné un plus grand sens à la vie de sa mère : « Elle veut que les gens sachent qu’il faut survivre, qu’il ne faut pas abandonner. »