Dr Michael Hill, chercheur subventionné par Cœur + AVC

AVC

AVC : réussir l’impossible

Le Dr Michael Hill raconte les vies sauvées de justesse et le travail acharné qui a mené à une révolution vitale.

Au début des années 1990, les perspectives étaient sombres pour les personnes qui subissaient un AVC ischémique. Il n’y avait pas de traitement. À l’époque, le risque de mourir d’un AVC était deux fois plus élevé qu’aujourd’hui. La majorité des personnes qui y survivaient dépendaient des soins d’aidants et d’aidantes pour le reste de leur vie. La plupart des chercheuses et chercheurs en médecine ont évité ce domaine, car le traitement et l’inversion des effets d’un AVC étaient considérés comme impossibles.

Mais le Dr Michael Hill ne recule pas devant les problèmes difficiles. Au contraire, il cherche à les résoudre.

Il a choisi de se spécialiser en neurologie de l’AVC au cours de sa résidence en médecine interne au début de 1995. « À l’époque, l’AVC était un domaine de pointe », explique le Dr Hill, aujourd’hui professeur de neurologie à l’Université de Calgary. « C’était motivant de voir ce que nous pouvions faire pour soigner les gens. »

Ses premiers travaux de collecte de données sur les patients et patientes dans l’ensemble du pays ont contribué à l’approbation conditionnelle en 1999, puis à l’approbation définitive en 2003 par Santé Canada de médicaments pouvant dissoudre les caillots sanguins (thrombolytiques) pour le traitement de l’AVC ischémique, ce qui a permis d’améliorer considérablement l’issue de ce dernier. Aujourd’hui, ces médicaments constituent un élément essentiel des traitements de l’AVC

Le plus grand défi auquel le Dr Hill s’est attaqué à ce jour, la codirection d’un essai clinique appelé « ESCAPE » sur le traitement de l’AVC ischémique par thrombectomie endovasculaire, a révolutionné le domaine. 

Cette année, le Dr Michael Hill sera intronisé au Temple de la renommée médicale canadienne pour ses travaux de recherche novateurs sur l’AVC. Ce n’est toutefois pas ce qu’il considère comme la plus belle récompense. Ce qui fait que ses efforts en valent la peine, c’est de savoir qu’en 2025, un AVC ne signifie pas forcément la fin d’une vie épanouie. Grâce aux progrès que le Dr Hill et ses collègues ont réalisés, les personnes qui subissent un AVC peuvent reprendre le travail qu’elles aiment, refaire de la moto tout-terrain ou accompagner leur fille jusqu’à l’autel.

Le Dr Hill a raconté à Cœur + AVC les coulisses de cette percée dans le traitement de l’AVC. 

Commençons par le traitement de l’AVC ischémique par thrombectomie endovasculaire. Pouvez-vous expliquer de quoi il s’agit?

Lors d’une thrombectomie endovasculaire, un cathéter est introduit dans le système artériel jusqu’au cerveau. Dans le cas d’un AVC, nous passons généralement par l’artère fémorale dans la région de l’aine, puis nous faisons monter le cathéter par l’aorte et l’artère carotide jusqu’à la tête pour atteindre le caillot sanguin logé dans le cerveau. Ensuite, il y a deux façons de procéder pour tenter de l’éliminer.

L’une des solutions consiste à utiliser une endoprothèse récupérable, soit un petit tube cylindrique grillagé doté d’ouvertures qui peut piéger le caillot. L’autre solution consiste à utiliser un cathéter d’aspiration, qui est semblable au tube d’un aspirateur. 

La procédure est compliquée, un peu comme retirer un vieux bouchon de liège d’une bouteille de porto de 90 ans. Parfois, nous sommes en mesure de retirer la totalité ou la quasi-totalité du thrombus. D’autres fois, le caillot s’effrite et se fracture comme un vieux bouchon de liège, mais le cerveau gère la situation de manière remarquable et, lorsque nous retirons les cathéters, le flux sanguin est normal ou presque.  

D’où vous est venue l’idée pour l’essai ESCAPE?

J’ai travaillé en étroite collaboration avec deux collègues de Calgary, le Dr Mayank Goyal, neuroradiologue, et le Dr Andrew Demchuk, neurologue spécialisé en AVC.

L’idée de l’essai ESCAPE est née d’autres travaux que nous menions. À Calgary, nous nous sommes beaucoup intéressés à l’imagerie cérébrale par tomodensitométrie et par résonance magnétique afin de comprendre à quoi ressemble le cerveau et comment il réagit après un AVC.

Dans le cadre d’une étude, nous avions déjà examiné la thrombectomie endovasculaire en utilisant l’injection intra-artérielle de médicaments pouvant dissoudre les caillots sanguins. Cependant, nous avions accordé moins d’attention à l’effet de la rapidité d’administration du traitement et à la manière dont les patients étaient sélectionnés pour le traitement à l’aide de l’imagerie cérébrale. Nous avons donc examiné les questions de l’imagerie et de la rapidité dans l’essai ESCAPE, tout en testant une nouvelle technologie pour peaufiner la technique.

Quelle était la nouvelle technologie?

C’était l’utilisation d’endoprothèses fenêtrées, ou extracteurs endovasculaires, pour l’AVC.

Cette évolution est en partie due à un heureux hasard. Ces endoprothèses fenêtrées étaient utilisées pour réparer les anévrismes. Quelques personnes, dont mon collègue le Dr Goyal, ont remarqué lors d’une intervention qu’un caillot qui se formait près d’un anévrisme était piégé dans l’endoprothèse lorsqu’on la retirait.

La même chose s’est produite avec un autre groupe. Cette observation a été mise à l’essai : une endoprothèse fenêtrée destinée aux anévrismes a été utilisée pour traiter un AVC. Elle a piégé le caillot et l’a retiré, et l’état de la personne opérée s’est amélioré. Nous nous sommes immédiatement rendu compte que notre idée était efficace et applicable.

50 %

Pourcentage de réduction des décès dus à un AVC ischémique

Donald Mumby vit avec les séquelles d’un AVC

Un traitement novateur a aidé Donald à retrouver son autonomie après un AVC à 26 ans.

Melissa vit avec les séquelles d’un AVC

Melissa avait 28 ans lorsqu’elle a subi un AVC. Grâce aux avancées de la recherche, elle a terminé ses études universitaires et travaille maintenant dans le domaine de ses rêves.

John Vipond en compagnie de son épouse, Barb.

Le souhait de John est devenu réalité : il a pu conduire sa fille à l’autel grâce à un traitement révolutionnaire de l’AVC.

NNatalie Scott Chin, qui vit avec les séquelles d’un AVC, à la remise des diplômes de sa fille, Jaya.

La thrombectomie endovasculaire a permis à Natalie d’écrire de nouveaux chapitres de sa vie : elle a publié un livre pour enfants, repris l’enseignement et assisté à la graduation de sa fille.

 
Mark Friesen vit avec les séquelles d’un AVC

Mark peut à nouveau prendre son élan sur les parcours de golf et faire de la moto tout-terrain grâce à un traitement avant-gardiste de l’AVC.

Amanda vit avec les séquelles d’un AVC

La plus importante victoire d’Amanda, qui s’est rétablie d’un AVC grâce à un traitement de pointe, ne concernait pas son corps : c’était de revoir ses enfants et de les reconnaître à nouveau.

Comment avez-vous lancé l’essai ESCAPE?

Nous avons commencé à Calgary et recruté 11 de nos collègues de divers établissements au pays, ainsi que des personnes de 11 autres établissements dans le monde pour y participer. Il y en avait un établissement en Irlande, trois ou quatre aux États-Unis, quatre en Corée et quelques-uns en Allemagne. Nous les avons progressivement rassemblés pour finir avec 22 établissements. La première personne ayant subi un AVC a été recrutée en 2012. 

Comment avez-vous recueilli les fonds nécessaires au financement de cet essai?

C’est une longue histoire parsemée de brûlures d’estomac et de nuits blanches. Nous avons craint de ne pas avoir assez d’argent pour continuer à plusieurs reprises au cours de l’essai. Nous avons présenté notre projet quatre fois aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et il a été rejeté quatre fois.    

Heureusement, à l’époque, j’étais titulaire de la bourse professorale de recherche sur l’AVC de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC et du Hotchkiss Brain Institute, et Andrew Demchuk était titulaire de la Chaire de recherche sur l’AVC de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC à l’Université de Calgary.

Nous avons également obtenu une première subvention du fabricant de l’endoprothèse, puis une subvention supplémentaire, du financement philanthropique du Hotchkiss Brain Institute de l’Université de Calgary, du financement philanthropique du département des neurosciences cliniques et, enfin, une petite subvention du Réseau canadien d’information pour la sécurité publique. Ces financements regroupés nous ont permis de mettre en œuvre l’essai.

Vous avez dit que la rapidité du traitement était cruciale. Comment vous êtes-vous assuré que les équipes travaillaient assez vite?

Le Dr Goyal et moi-même nous sommes rendus deux fois dans chaque établissement au cours de l’essai pour encourager et favoriser la rapidité et la sélection rigoureuse des patients. Nous avons dû fouetter les équipes pour qu’elles travaillent rapidement. J’utilise cette expression pour rire, bien sûr, mais essentiellement, nous les avons encadrées et leur avons dit qu’elles devaient aller plus vite.

Quand avez-vous appris que votre technique améliorait les résultats?

L’essai était mené à l’insu, nous ne connaissions pas les résultats. Nous ne savions pas quel traitement était administré à quelle personne. Cet aspect obligatoire des essais permet d’éviter la possibilité d’une prise de décision subjective pendant la mise en œuvre de l’étude.

À l’automne 2014, une analyse provisoire était prévue pour évaluer formellement la sécurité et l’efficacité de l’intervention. Au cours de ce type d’analyse, un groupe indépendant appelé « comité de surveillance des données et de la sécurité » examine les données. Son travail consiste à protéger la sécurité des patients. Il peut recommander de poursuivre l’essai ou de l’interrompre. Si l’intervention est de toute évidence dangereuse ou efficace à ce stade, l’arrêt de l’essai peut être recommandé.

Tous les critères de réussite ont été remplis, y compris la réduction des taux de mortalité et la garantie que sauver plus de vies ne signifiait pas laisser plus de personnes handicapées. Le comité nous a donc dit que nous devrions arrêter l’essai et analyser les résultats complets.

Qu’avez-vous ressenti?

Disons que c’était plutôt plaisant!

Naturellement, nous étions convaincus d’avoir un traitement qui devait simplement faire ses preuves, car c’est ce qui nous a incités à lancer l’essai en premier lieu. Nous avions déjà l’impression d’être sur la bonne voie. Si une personne paralysée arrive aux urgences, que vous effectuez une intervention et qu’ensuite elle vous tape dans la main et vous remercie sur la table d’opération, vous savez que quelque chose se passe bien. Des histoires pareilles se sont déroulées et continuent de se dérouler dans tout le pays. C’était assez impressionnant. 

Toutefois, nous ne nous attendions pas à ce que les résultats de la thrombectomie endovasculaire soient aussi spectaculaires.

Quels ont été les résultats finaux?

La thrombectomie endovasculaire a permis de réduire de moitié le nombre de décès. Et pour quatre personnes traitées, une personne supplémentaire se rétablissait suffisamment bien pour mener ses activités quotidiennes de manière autonome.

C’était tout simplement remarquable.

L’AVC ischémique grave est horrible : il vous laisse complètement paralysé, incapable de parler et presque inconscient. En l’absence de traitement, le taux de mortalité est très élevé. Mais après la thrombectomie endovasculaire, certains patients sortaient de l’hôpital deux jours plus tard. C’est fantastique, n’est-ce pas?

Quelle a été la réaction de la communauté médicale?

Elle était optimiste que la technique pouvait fonctionner.

À quelle vitesse la thrombectomie endovasculaire a-t-elle pu être ajoutée aux protocoles de soins de l’AVC dans le monde?

La neuro-intervention était déjà utilisée pour traiter d’autres troubles, comme l’anévrisme, et il existait donc déjà un petit groupe de médecins capables d’effectuer une thrombectomie endovasculaire.

Et comme nous ne testions pas un médicament ou un traitement particulier nécessitant une autorisation réglementaire, elle a pu être déployée en quelques semaines. Ce qui a été le plus gratifiant, c’est que les équipes des 11 hôpitaux qui ont participé à notre essai au Canada ont été en mesure de traiter les patients immédiatement.

C’est fantastique d’entendre que les personnes se rétablissent si bien et qu’elles peuvent reprendre leur vie.
Dr Michael Hill - Chercheur

Voyez la réaction du Dr Michael Hill lorsqu’il rencontre ceux et celles qui ont bénéficié de sa découverte.

Dix ans plus tard, à quel point le traitement est-il accessible au pays?

Environ 90 % de la population vit à moins d’une heure d’un tomodensitomètre. De plus, entre 25 et 30 hôpitaux offrent la thrombectomie endovasculaire dans tout le Canada. 

Si vous habitez loin d’un grand centre urbain, vous n’aurez pas accès à la thrombectomie endovasculaire. Mais l’une des retombées de cette étude est que davantage de personnes souhaitent s’impliquer dans le traitement de l’AVC. Nous avons pu former un grand nombre de personnes, qui sont maintenant dispersées dans l’ensemble du pays et qui forment d’autres personnes.

À l’échelle mondiale, la thrombectomie endovasculaire est aujourd’hui largement utilisée dans les principaux systèmes de santé. Au total, cinq études majeures ont été publiées en 2015, dont l’essai ESCAPE, et elles sont toutes arrivées à la même conclusion : la thrombectomie endovasculaire est un traitement très efficace pour l’AVC ischémique grave. Cet effet uniforme du traitement dans cinq populations différentes a consolidé les résultats, et le traitement a rapidement été appliqué dans le monde réel.

Quel rôle a joué Cœur + AVC dans le soutien de vos recherches au fil des ans?

La toute première subvention que j’ai obtenue provient d’un fonds de recherche commun de Cœur + AVC et des IRSC en 1999. Au fil du temps, j’ai bénéficié d’autres subventions de Cœur + AVC. Sans oublier la bourse professorale que j’ai obtenue et le fonds de la chaire de recherche du Dr Andrew Demchuk, qui ont tous deux été essentiels à la poursuite de l’essai ESCAPE.

Qu’est-ce que cela signifie pour vous de savoir que la thrombectomie endovasculaire a aidé des personnes à se remettre d’un AVC potentiellement mortel?

C’est formidable d’entendre ces histoires. Il y en a tellement maintenant et elles m’émeuvent toutes. C’est fantastique d’entendre que les personnes se rétablissent si bien et qu’elles peuvent reprendre leur vie.

C’est la motivation de notre travail.